Sandre au beurre blanc et Montlouis


Le sandre fait le bonheur des pêcheurs comme des gourmands. Carnassier retors, ce nobliau des rivières passe volontiers à table, où sa chair savoureuse appelle le dialogue avec la saucière. Pour le noyer de plaisir, rien de tel qu’un beurre blanc, ce trésor des mères ligériennes. C’est à Saint-Julien-de-Concelles, à l’aube du XXe siècle, que serait née la recette de cette sauce à la fois onctueuse, grâce à la générosité du beurre, et légèrement pointue, grâce au renfort acide du vinaigre et de l’échalote. Chez la Mère Clémence plus précisément, qui tenait auberge sur une levée de Loire, juste en amont de Nantes. La matière première du plat, elle, sortait directement du fleuve royal, juste à quelques mètres des casseroles. Le poisson peut d’ailleurs être aussi un beau brochet, ou un saumon (qui ne sera plus aujourd’hui pêché dans la Loire, car les derniers spécimens sauvages y sont protégés). Voici donc la recette du sandre au beurre blanc, selon le Mastroquet :


Pour 4 personnes : Un sandre d’environ 1,2kg - Court-bouillon : 2,5 l d’eau, 75 cl de vin blanc sec, 2 carottes, 1 oignon, 1 bouquet garni, 1 c. à soupe de gros sel, 10 grains de poivre. Beurre blanc : 4 grosses échalotes, 25 cl de vinaigre, 30 cl de court-bouillon, 250 g de beurre demi-sel très froid, poivre noir du moulin.

Eplucher et émincer les légumes. Les mettre dans une poissonnière avec l’eau, le vin blanc et le bouquet garni. Saler et poivrer, porter à ébullition et cuire 30 mn. Laisser refroidir. Rincer le sandre, le placer dans la poissonnière et cuire 30 mn à petits frémissements. Peler et hacher les échalotes. Les mettre dans une casserole avec le vinaigre et le court-bouillon filtré, poivrer. Cuire à feu doux et faire réduire au tiers. Couper le beurre en petits morceaux. Retirer la casserole du feu, y jeter tout le beurre et fouetter jusqu’à l’obtention d’une pommade. Sortir le sandre de la poissonnière, enlever la peau et détacher les filets. Les dresser sur des assiettes chaudes et napper de sauce.

Recette de Marie-Christine Arnaud




 

Pour escorter ce délice de marinier, le vin blanc peut être choisi tout le long de la Loire, du Pays nantais jusqu’à la Touraine, en remontant par l’Anjou et le Saumurois. On va ainsi du vif Muscadet jusqu’aux voluptueux flacons du Layon ou de Vouvray. Pour le chenin, on avance souvent la solution du vin demi-sec - une occasion de sortir des bouteilles pas toujours faciles à placer dans un repas. Le Mastroquet s’en tiendra au chenin sec, un Montlouis pour le coup : suffisamment incisif pour "dégraisser" la sauce du poisson, suffisamment riche et aromatique pour imprimer sa marque au duo. Il a retenu trois vins, en piochant dans les bonnes caves de cette discrète appellation qui - en face de Vouvray, de l’autre côté de la Loire - dessine un triangle entre Montlouis, Lussault et Saint-Martin-le-Beau.

Montlouis-sur-Loire sec 2010 Rémus (Domaine de la Taille aux Loups). Jaune pâle brillant, nez vif, avec des nuances exotiques et un soupçon de vanille, bouche fraîche et énergique, explosant de fruit, la minéralité en filigrane. Jacky Blot veille sur une brochette de clos et travaille en culture biologique. Cette cuvée Rémus provient de petites parcelles de vieilles vignes, dont l’âge s’échelonne de 50 à 80 ans. La vendange est traitée scrupuleusement, de la table de tri jusqu’au pressoir pneumatique. Les jus sont entonnés par gravité dans des barriques renouvelées par quart chaque année. La fermentation s’étale sur 6 mois (sans malo), avant que le vin ne poursuive sa carrière dans le bois, durant une année complète.

Montlouis-sur-Loire sec 2010 Les Pierres Ecrites (Domaine Flamand-Delétang). Or soutenu, arômes terriens (craie, humus, fruits secs), bouche corpulente et riche, agrémentée de coing. La trame est solide, la matière charnue, la finale joliment arrondie. Olivier Flamand exploite un vignoble d’âge mûr (45 ans) à Saint-Martin-le-Beau. Il a baptisé cette cuvée en souvenir de son aïeul spécialiste des gravures rupestres. Elle a suivi le parcours classique du domaine : tris successifs, pressurage pneumatique, fermentation naturelle dans des barriques de plusieurs vins, élevage de 12 mois.

Montlouis-sur-Loire sec 2009 Les Bournais (François Chidaine). Robe jaune doré, odeurs de glycine et de thym sauvage, avec un rappel de truffe. L’entrée de bouche est caressante, avant une longue ligne, plus cristalline, aux résurgences minérales (silex) et fruitées (pêche blanche). Ce vin délicatement soyeux frappe par sa forte prégnance aromatique. François Chidaine cultive ses vignes en biodynamie. Cueillis en plusieurs tris, les raisins sont transportés en petites caisses et pressurés sur pneumatique. Les jus fermentent lentement, jusqu’à la fin de l’hiver, en demi-muids. Le vin, sans faire de fermentation malolactique, y séjournera ensuite durant 9 mois.
 


Tous droits réservés © 2012, Michel Mastrojanni (texte et photos)
 





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