LANGUEDOC

Esprit de clocher

Doté d’une appellation régionale à grande échelle, le Languedoc n’a pas, pour autant, renoncé à la fragmentation des terroirs. Dans le maquis compliqué des anciens Coteaux du Languedoc, certaines dénominations mériteraient plus de lumière. Voici quelques beaux vins pour les éclairer.


Le Languedoc Terrasses de Béziers est l’un des derniers-nés. Au sud de Béziers, le Domaine Le Nouveau Monde étale ses vignes sur le plateau de Vendres, entre étang et Grande Bleue. Ce sont des terrasses villafranchiennes, faites de galets roulés. Sur ces terres gorgées de soleil, le souffle de la mer apporte l’humidité vitale. Anne-Laure Borras sait obtenir des vins frais. Son rouge 2009 est un assemblage de syrah et de grenache, poli par deux ans et demi d’élevage. Cette longue gestation a donné un vin ferme et charnu, aiguisé par une fraîcheur revigorante. On sait que l’influence marine est favorable au mourvèdre. Dans la cuvée L’Estanquier 2009, il vient épauler la syrah, à hauteur de 40 %. Passé en fûts, le vin se montre net et plein, animé par une heureuse vivacité. Son nom est un hommage au gardien de l’étang.
 



Le vignoble biterrois, aux alentours du Château des Carrasses

 

A la terrasse des glaciers

Les terrasses évoquent donc les amoncellements caillouteux charriés par la fonte des anciens glaciers, mais aussi les ouvrages de pierre qui retiennent la vigne. Autre petit nouveau à les illustrer, le Languedoc Terrasses du Larzac. Ce vignoble peuple de grandioses paysages minéraux qui montent par marches vers le causse du même nom. La proximité de la montagne détermine des nuits d’été relativement fraîches, qui favorisent in fine la nervosité des vins.

Le Mas des Chimères, sur la commune d’Octon, est en cours de certification biologique. Les vins rouges de Guilhem Dardé reposent sur l’équilibre. Son Nuit grave 2009 est un bouquet de syrah, grenache, mourvèdre et carignan (les deux premiers majoritaires). Elevé pendant 10 mois en fûts de gros volume, il annonce des tanins sérieux mais sa la ligne harmonique reste suave. Le Carminarèm 2009 reprend les mêmes ingrédients, en y ajoutant du cinsault et deux mois supplémentaires d’élevage. Au final, le vin est idéalement digeste et équilibré.
 

 

Sur un volcan

Le Languedoc Pézenas a conquis ses galons voici quelques années. Commandé par la ville de Molière, ce vignoble s’étend sur une quinzaine de communes, jusqu’aux contreforts montagneux. Ce terroir se singularise par une forte empreinte volcanique, avec des coulées basaltiques qui font le lien entre des sols de nature très variée.

Le Domaine Le Conte des Floris, en culture biologique, fait déjà figure de classique. Son Rouge Nature 2010, qui respecte la parité entre syrah et grenache, est élevé en fûts et en cuves. Le vin est franc et coulant, sur des notes fumées et doucement épicées. Daniel Le Conte des Floris tire aussi une cuvée des sols graveleux. Son Villafranchien 2009 accorde la prédominance au grenache (80 %), complété de carignan et de syrah, et passe en bois. Il est charnu, solidement tenu, d’une belle longueur. A Pézenas toujours, Serge Schwartz conduit un autre petit domaine bio, Villa Tempora. Son rouge combine la syrah, le grenache et le carignan. Le 2010 est un vin gourmand, qui conjugue netteté, souplesse et charme aromatique.
 

Dans les terres chaudes du vignoble de Pézenas
 

Vieille renommée

La route languedocienne mène vers d’autres vieux clochers. De longue date, le Languedoc Montpeyroux assure la réputation de ce joli village perché. On est au pied du mont Saint-Baudille, dans l’arrière-pays montpelliérain. Ce vignoble d’altitude est propice aux vins blancs. Au Domaine d’Aupilhac, Sylvain Fadat a rassemblé sur le lieu-dit Les Cocalières, dans une exposition fraîche, un cocktail de cépages (marsanne, roussanne, grenache blanc et vermentino) qu’il vinifie en foudres et en barriques. Le Cocalières 2010 a un nez de fleurs blanches, une minéralité rafraîchissante, et appelle le poisson grillé de Méditerranée.
 

A Montpeyroux ou Saint-Georges, le vieux carignan fait de la résistance

 

A la sortie de Montpellier, dans l’aire actuelle du Languedoc Saint-Georges-d’Orques, les vins défrayaient déjà la chronique médiévale. On est au pays des "folies", ces belles demeures du XVIIIe siècle édifiées pour satisfaire l’appétit campagnard des notables de la ville, et le Château de l’Engarran en est un magnifique spécimen. Mais c’est aussi une remarquable propriété viticole. Diane Losfelt sélectionne ses meilleures vignes dans la Cuvée Quetton Saint-Georges. La syrah s’impose (70 %), enrobée de grenache et pimentée d’une pincée de vieux carignan. Le vin est élevé sous bois. Sous son étiquette dorée où se pavanent les deux atlantes de la façade du château, le 2009 (en magnum) est un petit monument de concentration et de maturité, dont l’équilibre souverain contrebalance la riche générosité.

Prendra-t-il le chemin de ce merveilleux magnum du Domaine Peyre Rose, propriété nichée à quelques lieues de là, sur la commune de Saint-Pargoire, dans la zone dévolue aujourd’hui au Languedoc Grès de Montpellier ? A nouveau, le cépage rhodanien exerce tout son pouvoir de séduction. Avec son Clos Syrah Léone 1998, la magicienne Marlène Soria a signé un nectar d’anthologie, une sève délicieuse, supérieurement aromatique, d’une élégance folle.
 

 

L’attrait de la mer

Le Languedoc La Clape est produit des portes de Narbonne à la Méditerranée. Le vignoble parsème les vallons et les combes de l’aride massif de la Clape, dans un décor d’une éclatante blancheur. Ses vins devraient bientôt bénéficier d’une appellation à part entière. Ici, ils s’affichent volontiers en blanc, grâce au bourboulenc, qui s’accommode à merveille de ce terroir largement ouvert à l’influence marine.

Dans cette couleur, le Château Rouquette sur Mer, propriété de la famille Boscary à Narbonne Plage, est une référence. Composé de bourboulenc (60 %) et de roussanne (40 %), vinifié à basse température, l’Arpège 2011 est le prototype du blanc moderne, souple, fruité et tonique. C’est le compagnon rêvé des "perles de Gruissan", huîtres élevées au large de cette bourgade côtière - dont la station semble sortir tout droit d’un western, avec ses maisons à pilotis, alignées au carré, et son vent insistant, qui fait voler les buissons comme dans les films.
 



Dans le massif de la Clape

 

A Capestang, lorsqu’on vient de Narbonne, la tourelle du Château Capitoul (Vignobles Bonfils) annonce l’entrée dans l’appellation. Telle une vigie, elle surveille un paysage soudainement calcaire. Le blanc du domaine réunit la marsanne, la roussanne et le grenache blanc. Les vignes sont vendangées précocement, et de nuit pour éviter la chaleur. Le Rocaille 2011 est frais et dynamique ; au vieillissement, la marsanne lui apportera sa note truffée.

Le
Château Ricardelle est situé sur la commune même de Narbonne. Dans son Vignelacroix 2010, Bruno Pellegrini a marié le bourboulenc (60 %) au grenache blanc (40 %). Le résultat est un blanc équilibré, charnu, d'une appréciable nervosité. En plein massif, à Fleury-d'Aude, le Château de la Négly (famille Paux-Rosset) réussit des vins d'une grande fraîcheur. La Brise marine 2010, la bien nommée, est un vin fin, droit, minéral, qui ouvre superbement le repas. Parfait, un soir d'été, sur un gaspacho aux moules.


 

 

Tous droits réservés © 2012, Michel Mastrojanni (texte et photos)



 




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