CARNET DE CAVE N°16

 

Où lon parle des vins des Vignes de l’Alma (Muscadet Coteaux de la Loire), du Domaine de Rocheville (Saumur-Champigny) et du Vignoble Dinocheau (Touraine Chenonceaux).



Muscadet ligérien
 
A l’écart du bourg, elles s’écoulent en pente douce vers la Loire, avec le clocher de Saint-Florent-le-Vieil en point de mire. Ces Vignes de l’Alma ont été reconstituées de toutes pièces par la famille Chevalier, sur un territoire communal d’où la viticulture avait disparu. Le domaine a conservé le nom choisi par un lointain propriétaire des lieux, nostalgique de la guerre de Crimée.

 

Dans les rangs de l'Alma
 

On est ici à la jointure de l’aire angevine et du Pays nantais. Aussi la propriété produit-elle des Anjous rouges et rosés, mais aussi un vigoureux Muscadet, qui souligne l’originalité de ce terroir assez méconnu des Coteaux de la Loire. Sous les volets de la maison, deux hectares de melon ont été plantés au début des années 80. Le cépage plonge dans les schistes bleus qui affleurent à faible profondeur. Dans cette parcelle bien exposée, Roland Chevalier applique la démarche Terra Vitis - travail du sol, enherbement naturel, intrants limités. Mis en bouteilles sur lie, son Muscadet Coteaux de la Loire 2015 est une réussite : nez frais et puissant, bouche tonique, dense et odorante, avivée par des notes minérales et citronnées. L’ensemble a beaucoup de punch.

Pour enchaîner la dégustation, la visite du vieux Saint-Florent s‘impose. On ira gravir le mont Glonne, jusqu’à l’abbatiale haut perchée, puis on redescendra vers les quais de Loire, où guette l’ombre de Julien Gracq, à ses heures lui aussi vigneron. Près de l’ancien grenier à sel, la maison où vécut l’écrivain - notre "dernier des classiques" - se visite depuis quelques années.

  


Un balcon sur la Loire


Un chai aux lignes contemporaines, une lumineuse salle de dégustation, une terrasse d’où l’on pique directement sur le fleuve … tout cela à un jet de raisin de l’église de Parnay, qui pointe sa flèche de pierre (XIIe siècle) comme un fanal sur le coteau de Saumur. Philippe Porché n’a pas perdu son temps depuis qu’il a repris des vignes et créé en 2005 le Domaine de Rocheville. Son vignoble aligne désormais 16 hectares. Conduit jusqu’alors en culture raisonnée, il entame aujourd’hui sa conversion au bio.
 

Sa majesté le cabernet franc
 

Autour du chenin et du cabernet franc, Rocheville décline une dizaine de cuvées, telle une petite cour liquide. Le Troubadour 2016 (Saumur rosé), pâle, nerveux et incisif, fleure la pêche de vigne, tandis que La Jouvencelle 2014 (Saumur blanc) charme par son côté mutin et ses accents fruités. Les Saumur-Champigny observent scrupuleusement l’étiquette. Le Page 2014 garde un ton léger, Le Prince 2015 joue dans un registre friand, sur les fruits rouges, alors que Le Roi 2011 commence à patiner ses tanins. Quant au Fou du Roi 2010, il l’emporte par sa finesse aromatique et son velouté, déployant tout le fond que lui ont apporté de vieilles vignes (75 ans) et un élevage de 30 mois en barriques. Rond et séveux, La Dame 2014 (Saumur blanc) complète ce tableautin médiéval.

On n’oublie pas le Clos de la Thibaudière 2014 (Saumur blanc), issu d’une parcelle sur la commune de Brézé, dont le rendement peu élevé (30 hl/ha) donne un chenin complet et étoffé. L’accueil au domaine s’inscrit dans les canons de l’oenotourisme moderne, et semble particulièrement huilé. Alors, sur la terrasse, on se laissera bien tenter par une flûte de La Favorite (Crémant de Loire), bulle fine et digeste, dont le caractère extra-brut laisse la bouche légère.





 

Royale inspiration

Quittons les eaux de la Loire pour celles, tout aussi royales, de son affluent le Cher. Sur les rives de ce dernier, les producteurs ont obtenu en 2011 la création de la dénomination Touraine Chenonceaux, auréolée du nom magique du château de Chenonceau (qui s’orthographie sans x, contrairement à sa commune d’appartenance). Sous cette bannière, le Vignoble Dinocheau, à Monthou-sur-Cher, propose un distingué blanc de sauvignon. Ce cépage s’enfonce ici dans des terres argilo-calcaires et des perruches (argiles à silex), qui tapissent des coteaux regardant vers le sud.
 

Le château inspirateur
 

Le Touraine Chenonceaux Les Pionnières 2015 doit sa substance à des vignes quadragénaires, ainsi qu’à son rendement n’excédant pas les 40hl/ha. Voilà un vin remarquablement équilibré, aux notes délicatement minérales et florales, sain et frais, sans aucune lourdeur, dénué du côté caricatural qu’on retrouve trop souvent dans les sauvignons locaux. Enfermé dans une jolie bouteille, à flanc ventru et col élancé, il va s’arrondir pendant quelques années. On réserve sa place sur des coquilles saint-jacques simplement crémées, ou bien un fromage de chèvre à point (pouligny-saint-pierre, sainte-maure).

 

Tous droits réservés © 2017, Michel Mastrojanni (texte et photos)




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