Tête de veau et Chinon

Dans sa rustique simplicité, elle reste l’un des piliers de notre patrimoine culinaire. La tête de veau - longtemps plat de noces dans la culture paysanne - puise à diverses sources régionales, même si le Centre de la France la revendique avec plus d’aplomb qu’ailleurs. En particulier la Corrèze, où une confrérie lui est dédiée, et où sa promotion reçut le renfort spectaculaire d’un ancien président de la République. Elle a tissé aussi des liens serrés avec la capitale et ses Halles, lorsque l’essor du chemin de fer au XIXe siècle fit bouillonner le "ventre de Paris", et son goût pour ce genre de plat roboratif. On n’oublie pas la tradition surannée des banquets du 21 janvier, date anniversaire de l’exécution du roi Louis XVI. Certains la mangent encore pour célébrer la chute de la monarchie - après la Révolution, le veau, mets sans doute plus raffiné, avait remplacé la tête de cochon des sans-culottes.

Bonne fille, la tête de veau se prête à maintes recettes et toutes sortes de sauces - avec ses classiques comme la sauce ravigote, la sauce gribiche ou la simple vinaigrette. Et nul besoin, de nos jours, de se livrer à l’opération compliquée du désossage. Chez le tripier, on la trouve prête à cuire, désossée et roulée.

____________________________________________________________________________________________________________ Tête de veau sauce ravigote

Pour 6 personnes : 1/2 tête de veau roulée, 3 c. à soupe de farine, 3 c. à soupe de jus de citron, 3 c. à soupe de gros sel, 1 oignon piqué d’un clou de girofle, 1 bouquet garni, sel fin. Pour la sauce : 2 cornichons, 2 c. à soupe de câpres, 6 c. à soupe d’huile de tournesol, 2 c. à soupe de moutarde, 2 c. à soupe de vinaigre, 1 bouquet de cerfeuil, 1/2 bouquet de persil, 2 branches d’estragon, sel, poivre.

Mettre la tête de veau dans un faitout, couvrir d’eau froide et faire bouillir pendant 10 mn en écumant. Egoutter et rafraîchir. Verser 3 l d’eau dans le faitout, ajouter la farine délayée avec un peu d’eau, le gros sel et le jus de citron. Porter à ébullition. Mettre la tête de veau dans ce bouillon avec l’oignon et le bouquet garni et cuire 2 h sur feu doux. Préparer la sauce : dans un saladier, mélanger la moutarde, l’huile, le vinaigre, du sel et du poivre. Y incorporer les cornichons, les câpres et les herbes hachées. Verser en saucière. Couper la tête de veau en tranches. Dresser sur un plat. Servir avec des pommes vapeur.

Recette de Marie-Christine Arnaud
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Autre variante, avec une sauce gribiche

 

Pour arroser ce plat canaille, se pose d’abord le choix du blanc ou du rouge. Mais les deux, chef ! En blanc, le Sancerre ou le Bourgogne aligoté emballent superbement l’affaire, grâce à leur côté incisif, mordant la texture plutôt gélatineuse des morceaux de veau. Cette fois, le Mastroquet opte pour l'autre couleur. Mais, comme le blanc, le vin rouge doit être un pur terrien, né en coeur de France, pour communier avec l'esprit de cette nourriture éminemment terrestre.

Un Chinon d’âge mûr est idéal. Mieux encore s’il vient des Picasses, lieu-dit du pays véronais, entre Vienne et Loire. Avec son nom sorti du monde rabelaisien, c’est un terroir argilo-calcaire, qui engendre des vins particulièrement étoffés, structurés et propices à la garde. Le domaine Olga Raffault, à Beaumont-en-Véron, propose une excellente version de ce cru, qu’on a déjà évoquée dans nos carnets (voir Carnet de cave n° 12 et Carnet de cave n° 7). Le vignoble est aujourd’hui conduit en bio, et le vin élevé plus d’un an en foudres, à la mode chinonaise. Avec la tête de veau, on se rapproche de l’accord parfait.

Chinon Les Picasses 2008, Olga Raffault. Robe grenat profond, à liseré légèrement orangé. Nez mêlant la framboise écrasée et le pruneau, agrémenté d'une touche boisée. En bouche, c’est un Chinon avec du volume et de la charpente, à la matière charnue et veloutée, soulignée par des tanins encore stricts. La petite nuance terreuse (si bien accordée au plat) annonce un début d'évolution. Tous les atouts du vin de tuffeau entamant son bel âge ... 
 


 

Tous droits réservés © 2019, Michel Mastrojanni (texte et photos)




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